À La Skol, nous avons à cœur de former les équipes des radios locales associatives ou commerciales. Rémy Jounin se distingue comme un maître incontesté de la formation en radio. Avec un parcours riche et diversifié, ayant embrassé les ondes de radios locales aux géants commerciaux, Rémy apporte une expertise unique à chaque projet. Au cœur de sa démarche, une conviction : la nécessité pour les professionnels de la radio de se réinventer, d’améliorer leurs pratiques et de s’auto-analyser pour définir leurs forces et faiblesses. C’est dans cette optique que Rémy Jounin intervient directement au sein des radios dans l’hexagone ou dans les territoires ultra-marins, offrant une formation sur-mesure destinée à enrichir les pratiques radiophoniques des équipes. L’objectif ? Permettre aux animateurs, et techniciens, voire même des bénévoles, de continuer à exercer leur passion avec encore plus de talent. À travers une interview exclusive, Rémy Jounin dévoile sa vision, ses méthodes et l’impact transformateur de ses formations, esquissant les contours d’une carrière radiophonique épanouie et prometteuse.
Est-ce que tu peux te présenter et nous expliquer ton parcours ?
Je m’appelle Rémy Jounin, j’ai été animateur. C’est-à-dire que j’ai suivi les plates de la FM quand ça a démarré. J’ai démarré sur une radio locale. Ensuite, ça bougeait beaucoup. J’ai eu de la chance de travailler sur les 3 groupes commerciaux : RTL Europe, groupe NRJ, Europe un la nuit, j’ai créé Europe 2 la première. Ensuite j’ai dû me retrouver à MFM Radio Classique, donc j’ai fait l’animateur un peu partout.
J’ai été sur chérie FM assez longuement à l’époque où le groupe Énergie essayait de la relancer vraiment très fort, donc je faisais les fins de journée. On ne parlait même pas encore vraiment de drive, mais ça a été, je crois, l’un des premiers drive en France avec des invités, avec toute la chanson française qui a déboulé et cetera.
Et puis de là, j’ai sauté sur RTL. J’ai fait 14 ans de grille d’été sur RTL. À un certain moment, j’ai arrêté les émissions puisque j’avais commencé les formations. J’ai fait des formations pour différents organismes, notamment au départ le CIFAP qui m’avait fait former les jeunes qui travaillaient pour les radios du CNRA. Il y a eu aussi des radios pour le CIFAP à l’étranger puisqu’ils avaient un marché avec le ministère des Affaires étrangères. Donc j’ai découvert le Vietnam, le Ghana, et cetera.
Et puis à un moment donné, je me suis mis à mon compte car les choses évoluent. Et j’ai travaillé aussi pour France Télévision. J’ai continué en créant des webradios municipales. Et puis je suis allé aux Comores pour Canal France International CFI. Donc l’audiovisuel extérieur de la France, qui a été une première mission tout à fait passionnante puisqu’il fallait un peu tout faire au sein de la radio Télé Nationale. Et ça a commencé à devenir un peu ma spécialité : me rendre dans des endroits où il y a très peu de moyens et où il faut s’adapter aux territoires. Et ça, c’est ce qui m’a vraiment passionné. Et c’est pour ça que j’ai créé ma société. Et moi, ce que ce qui m’intéressait, c’était au contraire d’aller chez les gens et de voir de quoi ils ont besoin, comment ils bossent, à quelle heure ils bossent ?
L’essentiel de mes formations, c’est d’aller sur place.
Retour d’expérience :
Un jour, je me suis même retrouvé à 4 pattes sous une console pour essayer de la rebrancher, pour voir si on pouvait faire mieux. Ça, c’était à la radio nationale du Ghana. Mais ailleurs aussi.
Je me pose les questions : « Vous avez quoi ? Comment on va faire pour faire un peu mieux ? » Les radios associatives ont ça de formidable et moi, vraiment, je les soutiens. J’aime beaucoup travailler avec elles. Elles sont extrêmement compétentes sur le territoire où elles se trouvent, mais elles ont souvent un « laisser-aller » je dirais, au niveau technique. Le fond est formidable, la forme l’est beaucoup moins. Il faut appliquer des choses qui viennent des radios commerciales sur la musique par exemple, mais le faire sur du contenu vachement pertinent. Je travaille ça énormément avec eux.
Je travaille aussi leur pertinence sur le territoire. Je leur disais toujours, il faut qu’on vous voie sur le terrain. Il faut se battre là-dessus, sur la proximité du territoire et sur le quotidien du territoire. Donc on travaille : comment améliorer la pratique de chacun à l’antenne, mais aussi, la mécanique d’antenne, est ce que ça apporte quelque chose ? Nous travaillons toutes ces questions et encore d’autres.
La chose la plus importante que je travaille avec les animateurs/animatrices, c’est le plaisir d’antenne. Il faut au moins prendre du plaisir au moment où on est à l’antenne, au moment où on reproduit des trucs, au moment où on fait des directs ! Ce plaisir, il va être contagieux. Il va s’entendre à l’antenne. Ça fait donc partie des choses que je tiens à travailler avec eux. Il faut toujours partir du principe que je ne sais pas faire leur radio, mais que je peux leur proposer tout un tas d’outils pour faire leur radio plus facilement, plus légèrement et plus efficacement.
Et alors concrètement, comment ça s’organise sur le temps de formation ? Il y a des temps d’analyses, ensuite d’exercices et de mises en pratique ?
Alors d’abord, j’écoute. Effectivement, j’écoute l’antenne et je l’écoute dans les conditions d’un auditeur, c’est-à-dire que je me débrouille pour être l’écouter sur le net. Et j’essaie de me rendre compte si je suis embarqué dans ce que j’écoute. Et à partir du moment où je le suis, tout va bien et dès que j’ai décroché, je me dis que l’auditeur lambda a décroché aussi.
Donc je reviens en arrière, je réécoute et je me demande à quel moment on a perdu le fil. Pourquoi et comment ? Et c’est là que je ne suis plus 1 auditeur lambda, mais que je suis un auditeur professionnel. Donc j’arrive avec plusieurs remarques, qui sont écrites, et que je vais leur partager. Ces personnes, ce sont des collègues, on fait le même métier, différemment, on n’a pas les mêmes expériences, mais eux, ils savent pourquoi ils parlent de tel ou tel sujet sur leur territoire. Moi, je ne sais pas, donc je ne discute pas de ça.
Mais par contre, la façon d’en parler, la façon de faire briller la marque (comme m’a dit l’un de mes clients commercial) c’est essentiel pour une radio associative. Il faut être, par exemple, sur les réseaux sociaux. On me répond : « Ah oui, mais nous on fait de la radio, on ne fait pas Facebook. » Et bien si, avec Facebook, tu vas gagner plein d’auditeurs parce que les gens vont le partager.
Et puis je travaille aussi sur la réflexion de la radio de demain. Comment votre marque va durer ? Comment votre radio va durer ? Parce que certaines radios travaillent encore comme en 81. Alors je ne critique pas. Certains de ceux qui font comme en 81 n’étaient pas nés en 81, la plupart même. Donc comment vous allez faire pour réfléchir de la radio de demain avec les outils qu’on a aujourd’hui ? Comment est-ce qu’on va faire de la radio de rattrapage, qu’on va remettre à disposition et qu’on va accepter d’intégrer dans notre façon de travailler les nouvelles habitudes des auditeurs ?
Je dis toujours qu’il faut faire le Netflix de la radio. C’est-à-dire que tu veux écouter un truc intéressant, tu as loupé le début, ce n’est pas grave, tu reviens en arrière, tu recommences au début ou tu vas le retrouver sur le site le lendemain. Ça fait partie des choses que j’initie pour l’instant. Parce que je vois bien, je ne fais que planter la petite graine qui va pousser, peut-être pour les formateurs suivants, mais ça, c’est intéressant.
Ce qu’il y a de formidable dans les radios associatives, c’est qu’elles sont les radios les plus en pointe. Parce que je crois vraiment que de plus en plus les auditeurs veulent écouter des émissions qui leur parlent et qui parlent d’eux. Ce qu’on veut, c’est qu’en tant qu’auditeur, c’est entendre une radio qui nous parle. Chaque auditeur est un meilleur programmateur que celui de la radio, ou va le devenir ?
Exemple :
J’adore bosser dans les îles parce qu’on sait le territoire sur lequel on est, il est défini, on ne peut pas se gourer, on ne va pas parler aux requins quand on est à la réunion. Donc on sait très bien quel est le territoire auquel on parle. Et moi, j’ai cette chance inouïe d’aller dans ces radios où on sait à qui on parle. Donc après je n’ai qu’à les aider à savoir comment leur parler.
On ne fonctionne pas tous pareil, on travaille différemment. On a des façons d’écrire la radio, mais au bout du compte, la seule chose qui compte, c’est qu’on soit tous d’accord sur le fait que : on parle AUX auditeurs, on parle DES auditeurs. Et là, il y a une grammaire, il y a une technique. Un exemple tout bête, quand vous parlez des auditeurs : « je voudrais dire à ceux qui nous écoutent », non, « Je voudrais vous dire. » Ça fait partie des techniques de base sur lesquelles on travaille.
Et ça veut dire aussi qu’à la fin de la formation, tu ne donnes pas de cadre, de cahier des charges à mettre en place à la suite de la formation, tu poses simplement des fondations ?
Je préfère poser des fondations et les inciter à créer leur propre cahier des charges. Pour moi, il n’y a pas un cahier des charges qui fonctionne. Formater une radio, pour moi, c’est essentiel. Plus on va formater la radio, moins on va formater les gens qui sont dedans et plus on va pouvoir utiliser leur personnalité. Ils vont pouvoir amener la valeur ajoutée qui est leur personnalité et qu’aucune IA n’aura jamais, jamais.
Moi j’ai toujours défendu la place de l’animateur/animatrice. Évidemment, j’en étais un au départ et je les défends. Et je peux très bien me discuter avec un directeur d’antenne et lui dire que ce n’est pas son animateur qui est mauvais, c’est sa gestion de l’animateur. Parce que, quand tu laisses un animateur pendant 6 mois sans lui faire un seul retour, une seule écoute de pige et qu’un jour tu lui dis tout seul, « ça ne va pas du tout ce que tu fais en ce moment », comment il pouvait le deviner ? La gestion de l’antenne est aussi quelque chose de très important. C’est une de mes futures missions à court terme, c’est de travailler avec une série de directeurs d’antennes pour qu’ils gèrent ce personnel humain. Finalement, les radios qui marchent bien, ce sont les radios où les animateurs sont heureux, les journalistes aussi. Il faut que les gens soient heureux parce que c’est contagieux, il faut qu’ils soient contents d’être là.
C’est donc ce que tu évoques, retrouvez le plaisir ? Et c’est ce qui reste de ton passage dans notre formation.
J’espère. Finalement, tout dépend de l’environnement et de la bienveillance. À un moment donné, la formation, c’est remettre dans le jeu des gens qui sont un peu à côté. Donc, c’est ça qu’on travaille. Comment tu fais un speak, comment ça se fabrique, comment tu sais à l’avance combien de temps il va faire ? Ça, c’est de la technique de base. Trop souvent, dans certaines radios, surtout commerciales, ils ouvrent le micro et après, ils se demandent ce qu’ils vont dire. Si tu fabriques ton speak tranquillement avant et que tu te dis « il va me prendre tant de temps », tu vas mieux désamorcer. Il faut gérer son temps, son speak. Ça fait partie des choses que je leur fais faire.
Je pense qu’on a des techniques à prendre, à reprendre. Alors oui, je ne leur laisse pas un cahier des charges parce qu’il faut qu’il fabrique le leur. Éventuellement, je leur montre un exemple d’un que j’ai fait moi à une époque, mais il était valable pour une radio. Ce qui n’est pas bon, c’est de ne pas en avoir.
Les règles d’antenne permettent aux animateurs/animatrices de savoir où ils peuvent aller ? Jusqu’où ils peuvent aller et quel est le cadre dans lequel ils vont pouvoir s’exprimer ?
Exemple :
C’est exactement comme un enfant. Si on ne lui met pas de limite, il va courir dans tous les sens avec inquiétude.
Donc effectivement je pars en leur laissant une feuille de route : « dans les 6 mois, faites ça, réfléchissez à ça, faites évoluer ça. » Il faut tester des nouvelles choses. Mais en même temps, j’insiste sur le fait qu’en gros, on a 2 sortes d’auditeurs : on a les auditeurs qu’on a déjà et on a ceux qu’on voudrait gagner. Et pour gagner les nouveaux, il ne faut pas perdre les anciens. Donc il faut toujours rester sur les codes connus. Il faut appliquer ça en permanence, rafraîchir, toujours être au-devant et savoir à l’avance ce que nos auditeurs vont avoir envie d’écouter.
Dernière question, quel est le conseil que tu donnerais aux prochaines radios qui vont t’accueillir dans le cadre d’une de tes formations ?
Faire des piges antennes, faire des écoutes d’antenne, avec les animateurs de façon bienveillante. La fluidité du discours est essentielle. Toujours se poser la question : à qui tu parles en ce moment ? Il faut se poser les bonnes questions à propos de ton speak :
- Pourquoi tu as dit ça ?
- Pourquoi tu as employé ces termes-là ?
- Est-ce que ces termes-là sont particuliers à notre auditoire ?
- Est-ce que la tournure de phrase est bonne ?
- Tutoyer ou vouvoyer ? Il y en a qui font ça formidablement bien. Ça va avec le style, avec la voix, avec le choix de vocabulaire, avec l’approche qu’on a.
Donc oui, l’important c’est de réécouter l’antenne. C’est donc faire de la mécanique d’antenne tous ensemble et voir comment chacun l’intègre et garde sa personnalité d’antenne. Parce que les gens ont été embauchés, parce qu’ils ont une personnalité, ils ont peut-être une voix mais c’est pas le plus important, ils ont du vocabulaire, ils ont une trouvaille, ils ont une capacité de répartie. Et la répartie, l’humour, le bon moment, c’est parce qu’on a préparé l’émission. De même que l’improvisation, ce n’est pas ouvrir le micro et dire ce qui nous passe par la tête. C’est avoir prévu tout ce qu’on va dire, mais se laisser une liberté dans la façon dont on va le dire. L’important c’est de savoir où on veut aller.
Merci Rémy JOUNIN !