Pouvez-vous nous raconter votre parcours au sein de Radio Laser et comment cela influence-t-il votre approche pédagogique à La Skol ?
Mon parcours en tant qu’animateur radio à Radio Laser a été fondamental pour ma compréhension des médias. En présentant une quotidienne pendant cinq ans, avec de nombreux invités, j’ai essayé de relever le défi de raconter une histoire différente chaque jour. Cette expérience m’a appris l’importance de rendre vivant mes propos au micro. C’est aujourd’hui ce que j’essaye de faire au sein de nos formations : qu’elles soient concrètes et vivantes, en s’appuyant sur des exemples réels et des pratiques actives, pour que nos étudiants puissent véritablement s’immerger dans le monde de la radio et du podcast.
Comment envisagez-vous l’intégration de l’EMI (Éducation aux Médias et à l’Information) dans les formations de La Skol, votre collègue Pierre-Louis Dupret lance même un appel de faire de l’EMI une grande cause nationale ?
L’EMI est cruciale aujourd’hui. À La Skol, nous intégrons cette dimension en enseignant non seulement les techniques de production audio, mais aussi en sensibilisant nos étudiants à l’importance de la vérification des faits, de l’analyse critique des médias et en les encourageant à produire des contenus responsables et éthiques. Se former à la radio, au podcast, c’est aussi une façon d’infuser de bonnes pratiques de l’EMI, notamment auprès d’un public adulte.
Quel est le rôle de la formation professionnelle dans la réussite du podcast, en plein essor, et comment La Skol s’adapte-t-elle à ces nouvelles demandes ?
Le podcast est un format riche et en pleine expansion. Nous nous concentrons sur la maîtrise technique et créative nécessaire pour réussir dans ce domaine, en fournissant à nos étudiants les outils pour créer des contenus captivants et professionnels. Nous sommes aussi en veille pour améliorer continuellement nos formations, en suivant de près l’Observatoire du Podcast par exemple. Enfin, ces formations sont également construites avec l’ADN de la Skol : le faire. On est sur une logique de pas-à-pas : on vient avec une idée, et on va l’étoffer tout au long du parcours, en construisant, en écrivant, en animant et en diffusant, pour repartir avec un premier épisode !
Comment voyez-vous l’évolution de La Skol dans le paysage de la formation aux métiers de l’audio en France ?
Pour moi, l’avenir de la radio est dans l’innovation et l’adaptation. Nous préparons nos étudiants à être à la fois des techniciens compétents et des créatifs audacieux, capables d’expérimenter et de repenser le média pour répondre aux nouveaux besoins et aux nouvelles attentes des auditeurs. Evidement personne ne sait répondre à la question « Comment la radio sera dans 10 ans ? » Elle aura évolué, du linéaire de proximité, du replay, des podcasts natifs ou du contenu enrichi. Des IA nous accompagneront, et si elles vont sans doute barrer la route aux robinets d’eau tiède, nous les percevons comme un outil supplémentaire pour des gens capables d’affirmer leur personnalité à l’antenne …
Comment voyez-vous l’évolution de La Skol dans le paysage de la formation aux métiers de l’audio en France ?
La vision de Sylvain Delfau le directeur de la Skol va dans le sens de ce qu’il a créé il y a plus de 30 ans avec Radio Laser puis avec La Skol. Je vois La Skol comme un incubateur de talents, où nous allions la tradition radiophonique à l’innovation numérique pour former des professionnels polyvalents et avant-gardistes. Et avec cette touche de proximité pour nous rapprocher de nos publics, car la radio d’aujourd’hui et de demain est celle proche des gens.
Quelles sont les compétences clés que vous jugez indispensables pour les professionnels de la radio et du podcast aujourd’hui, et comment les inculquez-vous à vos étudiants ?
Je me dis que la compétence technique comme le montage son sera peut-être transférée sur des logiciels dotés d’IA. Mais il faudra des gens qui puissent diriger ça donc avec une connaissance des termes techniques, et une vision claire du son. Les compétences clés seront la capacité de narration, d’empathie, de raconter un territoire, de transmission avec l’EMI. Nous mettons un accent particulier sur l’apprentissage par la pratique, en encourageant nos étudiants à développer leur propre voix et à expérimenter avec différents formats et genres.
Votre reportage “Éolien, l’inquiétude est dans le pré” montre une pluralité de visions sur un sujet clivant. On sent un souci de neutralité, vous laissez à l’auditeur ou l’auditrice le soin de se positionner sans interférer dans ses choix. C’est un bon exemple de ce que vous proposez au sein des formations de La Skol ?
“Éolien, l’inquiétude est dans le pré”, c’est l’exemple type d’un travail de terrain pour la radio. Vous préparez un scénario, vous anticipez, et le jour J, lorsque vous arrivez sur place rien ne se passe comme prévu. Votre scénario part alors à la poubelle, et tout en enregistrant tout ce qui se passe, vous construisez dans votre tête un nouveau plan. J’ai rencontré des personnes avec des positions différentes, mais toutes pertinentes de leur point de vue. Et c’est un exemple sur lequel je m’appuie beaucoup : je ne suis pas là pour donner mon avis ou orienter celui des gens qui nous écoutent. J’enseigne à nos étudiants comment adopter cette démarche journalistique rigoureuse même si ils ou elles deviennent des animateur.rice.s, en cherchant toujours à aller au-delà des apparences. Nous avons un rôle essentiel, de raconter la vérité, en tous cas d’essayer de ne pas se faire manipuler. Je le disais à propos de l’EMI plus haut, chaque citoyen ou citoyenne devrait avoir des capacités de vérifier que les infos qu’il ou qu’elle reçoit ne sont pas fakes. On devrait être presque tous des enquêteurs journalistes. C’était aussi dans cette position que je souhaitais placer le public, en réalisant ce reportage.
Quelle importance accordez-vous à la créativité des étudiants dans leurs projets de formation et comment les encouragez-vous à innover ?
La créativité est au cœur de notre approche. Les gens pensent souvent qu’elle est innée. Or, on peut être créatif sur un sujet le lundi et passé totalement à côté le mardi. La créativité vient aussi de l’exigence qu’on se donne à soi-même. Si le sujet a déjà été traité de cette façon, pourquoi ne pas essayer un autre chemin ? Notre travail à La Skol, c’est d’offrir aux étudiants un espace où ils peuvent expérimenter librement, tout en les guidant et en leur donnant les outils nécessaires pour concrétiser leurs idées en projets innovants.
Mais cette exigence, vous vous l’imposez également ?
C’est notamment ce qu’ont appris mes années de quotidienne à l’antenne : je connais cette difficulté de garder toujours la même rigueur. Le message qu’on passe, c’est de maintenir un niveau suffisamment élevé tous les jours pour les auditrices et les auditeurs. C’est un peu comme dans un bon resto : les équipes en cuisine auront beau avoir un coup de moi, dans l’assiette, le client doit avoir la même qualité.
Dans notre travail actuel, nous essayons de reproduire cette rigueur. Nous montons des formations adaptées pour de nombreuses radios ou entreprises, ou de nombreuses personnes. Nous récoltons les besoins, les attendus et ensuite nous retravaillons nos déroulés de formation. Terminé les formations toutes faites et qui ne changent que tous les 2 ans. Là on reconstruit tout à chaque fois, c’est un boulot monumental mais tellement intéressant. Moi mon job c’est d’écrire ces déroulés et/ou voir avec nos formateurs et formatrices comment être opérationnel.
Quels sont les défis que vous rencontrez face aux évolutions technologiques et sociétales du métier, et comment y faites-vous face ?
Avec l’accélération de la vitesse de l’information, on peut avoir la sensation d’être dans l’urgence permanente. C’est aussi notre rôle, en tant que formateurs, que d’appeler à prendre du recul : les temps de formation sont aussi des moments où l’on peut prendre du temps pour regarder le chemin qu’on a parcouru, les compétences qu’on a acquises, et là où on veut aller. Les formatrices et formateurs sont aussi des accompagnatrices, des accompagnateurs.